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Etre une maman

Le 4 juin 1983, les douleurs qui avaient commencées la veille, vers minuit, me laissaient le goût amer du regret.


La joie qui avait accompagnée ces derniers mois, faisait place à des lamentations, à des mots d'une grossièreté que je ne pourrais pas rapporter ici !


Je voulais repartir en arrière, juste revenir à ces instants magiques où pour la première fois j'ai ressenti la vie bouger en mon ventre. Ces premiers petits coups annonçaient l'arrivée d'un nouveau statut, j'allais être maman.


Jeune femme, je ne connaissais rien de ce rôle qui m'attendait, j'étais juste capable de définir tout ce que je ferai, différemment bien sûr, de ma propre maman. Cette fameuse capacité à juger l'autre sur ce qui est bien ou mal, peut parfois nous rendre un peu trop sûr de nous, et permettre à notre ego de se gorger de certitudes.


Linda Lemay chante "une mère fait ce que çà peut mais çà ne peut pas tout faire et çà fait de son mieux". Ce jour là, j'étais bien loin de comprendre ces paroles, certaine de mieux faire que ma mère...


A 11h30 mon petit ange est né… A l'instant où la sage femme a déposé cette petite fille contre moi, toute la souffrance des dernières heures s'est envolée, et un amour profond m'a enveloppé d'un voile de tendresse, de douceur. J'étais maman...


Enfin je pensais que le fait d'avoir mis au monde un petit être faisait de moi une maman. Ma jeunesse, mon inexpérience, mon ignorance avaient posé sur ma conscience des œillères qui ne me laissaient voir que le côté enfantin de la maternité. Je reproduisais tous ces gestes, ces attitudes de petite fille qui jouait avec son poupon que le père noël lui avait offert.


Mais très vite les jeux d'enfant se sont transformés en vraie torture psychologique, avec sa traine de questions, de doute, d'incompréhension et cet épuisant sentiment d'impuissance. Un poupon çà ne pleure pas, on joue, et puis on peut le laisser des heures, des jours même et on le retrouve identique au jour de l'abandon.


Ce n'est que du plaisir sans contraintes, ni obligations !


Mais avec un bébé, tout est différent. Aussi minuscule soit-il, il prend tout notre temps, notre espace, notre énergie. Il nous pousse à la culpabilité, lorsque après plusieurs nuits tourmentées par les pleurs incessants et incompréhensibles, il nous laisse épuisé tant physiquement que moralement en insinuant dans notre esprit des doutes sur notre capacité à être une bonne mère.

Au fil des années cette culpabilité est amplifiée par les médias, qui nous affichent des images de mamans heureuses, resplendissantes, totalement épanouies…


Et lorsque nous osons lorgner chez notre voisine, cette image de la maman parfaite nous saute aux yeux et nous renforce dans notre croyance de ne pas être à la hauteur.


Mais est-ce la réalité ? Est-ce qu’être une maman est uniquement synonyme de joie, de paix et d’amour ?


Pouvons-nous identifier comme paisible tous ces moments d’angoisse passés à leur chevet ?

Sommes-nous dans l’euphorie du bonheur, quand adultes nous les accompagnons dans les épreuves de la vie ?


Ressentons-nous vraiment l’amour inconditionnel quand nous nous surprenons à juger leurs choix, leurs décisions, leurs amis ?


Des moments de pur plaisir et de fierté viennent agrémenter la vie de maman, les premiers sourires, les premiers mots, les premiers pas, les petits exploits, les réussites scolaires et extrascolaires, et quand à leur tour ils deviennent parents…


A ce moment là, on pourrait croire que notre rôle de maman ne sera plus que de l’agrément que nous allons être directement promus grand-mère, grade amputé de toute obligation, de toute inquiétude, de toute impuissance, de toute peur…


Mais non ! Le 11 janvier quand mon petit fils est né, j’ai été directement envoyée en enfer…


Il est arrivé bien trop tôt et mon cœur de maman a été massacré par la détresse de ma fille, par son sentiment de culpabilité qui ont remis sur le devant le la scène ma propre impuissance à aider ma chair et mon sang…


Alors j’ai fait ce que Lynda Lemay chante, j’ai fait ce que j’ai pu…


Je l’ai accompagné dans ses pleurs, lui ai tenu la main, l’ai serré dans mes bras en la berçant tel un bébé, et c’est tout ce que j’ai pu faire... Je n’ai pas pu lui retirer tout ce chagrin qui faisait fuir son sommeil, je n’ai pas pu lui donner l’espoir que tout allait bien se passer, je n’ai pas pu effacer ces moments tragiques… J’ai juste fait de mon mieux….


C’est peut-être cela être une maman, juste faire de son mieux…






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