Pendant des années, même si j’avais réussi à dépasser la dépression, ce mal être virulent qui ne cessait de m’entraîner vers des échecs à répétitions, il restait au fond de moi comme un sentiment de tristesse.
Vous savez un peu comme de la boue au fond d’un bassin auquel on ajoute de l’eau. A première vue l’eau semble claire, et si on la remue elle devient marron, noire.
Cette tristesse, un jour, j’ai décidé qu’elle faisait partie de moi, et j’ai accepté de vivre avec, même si elle m’enfermait dans un réel inconfort.
Et puis un jour, alors que je méditais, cette tristesse est venue s’inviter. Au départ comme une pointe qui traversait mon cœur, puis un dégoût, une envie de vomir, puis une boule dans la gorge chargée de larmes qui ne pouvaient sortir.
Alors je me suis dit c’est le moment lâche !
Et je me suis dit, j’ai tout nettoyé, ma naissance, mon enfance enfin ma vie et si maintenant j’allais au commencement.
Alors reliée à tous ces ressentis désagréables, j’ai demandé à me laisser conduire au commencement de cette tristesse.
Et des images sont apparues, d’une autre époque, une femme avec un fichu sur la tête, s’approchait d’un fleuve avec un nouveau-né dans les bras. D’abord hésitante, regardant avec amour ce petit être, elle a déposé un baiser sur son front en murmurant des mots. Puis elle l’a jeté dans les eaux et s’est effondrée à terre en pleurant et poussant des gémissements ; C’était horrible de douleur !
A cet instant, j’ai ressenti le contact avec l’eau, je me suis sentie engloutie… Et une phrase est arrivée : tu es l’enfant de la honte !
Et j’ai compris que depuis des années, j’avais nettoyé ma naissance, pardonné à ma maman, mon papa, mais je m’étais trompée d’époque.
J’avais besoin de pardonner, à cette autre maman, qui avait laissé la peur d’être la honte de sa communauté submerger l’amour qu’elle avait pour moi, et avait décidé de mon droit à la vie, enfin plutôt à la mort.
Les sanglots sont enfin sortis de ma gorge, et les larmes ont coulé tel ce fleuve qui avait entrainé dans ses profondeurs mon petit corps, en lui retirant la vie, le droit de vivre, de rire, de jouer, de grandir…
J’ai enveloppé ce petit être de tout mon amour pour lui permettre de sortir de ce cercueil d’eau et rejoindre sa juste place. Je me suis sentie enveloppée d’une douce chaleur, et je me suis retrouvée dans un autre espace, au-dessus de l’eau, et j’ai vu une femme s’approcher de moi.
J’ai ressenti cette pointe dans mon cœur se retirer, et une douce chaleur se diffuser dans mon cœur, alors je me suis approchée de cette femme, et j’ai compris que c’était elle : ma maman de l’autre vie !
Elle m’a pris dans ses bras, et une fusion d’amour nous a reliés… Les sanglots se sont apaisés et les larmes de tristesse se sont transformées en larmes de joie…
Elle m’a pris la main et m’a conduite dans un magnifique jardin de paix, avec un manège un peu enchanté… J’ai pris place et je me suis laissée emporter dans cet enivrant tourbillon d’amour…. Je la voyais me sourire…
Elle m’avait tuée mais elle m’aimait !
Puis le vide et je suis revenue ici et maintenant, allégée…
J’ai enfin compris cette tristesse et cette peur de l’eau…
Tout a un commencement et c’est ce commencement qui a besoin de changer sa fin…
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