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Non ! Juliette


Voyage dans le passé


Juliette claqua la porte de sa chambre.

—NON ! NON ! NON ! ma mère ne connaît qu’un seul mot NON !

—He ho calme toi, arrête de hurler comme çà j’en ai mal aux oreilles !

Juliette regarda autour d’elle, se demandant d’où provenait cette voix.

—Qui est là ?

—C’est moi Nounours. M’as-tu oublié ? Ça fait cinq ans que tu m’as jeté au fond de ton placard ! je suis enfoui en dessous de tout ton bric à brac. Allez approche, ouvre la porte et sors-moi de là !

Avec méfiance, Juliette s’avança vers son placard, et ouvrit la porte.

—Oui là je suis là tout en dessous, dépêche-toi enlève ce gros tas de vêtements sales que tu as caché là.

Elle commença à sortir tout son bazar et découvrit tout au fond son vieux nounours, qu’enfant elle traînait partout avec elle.

—c’est toi qui me parle ? demanda-t-elle ahurie.

—mais oui ! Allez pose moi par terre que je me rende compte dans quel état je suis, s’impatienta Nounours tout en s’époussetant.

Et sous les yeux ébahis de Juliette, Nounous se mit à marcher, à sautiller, et s’étirer.

—ça va je ne suis pas trop rouillé, et ce n’est pas grâce à toi ! J’attends tes excuses pour ces 5 ans d’abandon !

—Suis-je en train de devenir folle ? Juliette se frotta les yeux, se pinça la joue pour savoir si elle était en train de rêver.

—et non tu ne rêves pas, alors ces excuses ça vient, nous avons du travail tous les deux !

—m’excuser ! Et de quoi ? Tu n’es qu’une peluche, et une vieille peluche en plus.

—ah ! maintenant les insultes, et dis donc jeune fille, je ne suis pas plus vieux que toi, c’est ta marraine qui m’a déposé dans ton berceau à la maternité. Alors si je sais compter, j’ai 16 ans tout comme toi. J’attends !

—pourquoi tu me parles maintenant ? Quand j’étais petite tu étais silencieux. Ce n’était pas si mal finalement, ironisa Juliette.

—je répondrai à tes questions quand tu m’auras présenté tes excuses. Quelle effrontée pensa Nounours en tournant le dos.

—bon ça va, excuse-moi Nounours. Juliette éclata de rire devant cette étrange situation.

Nounours se retourna souriant et heureux d’avoir gagné cette première manche. Il savait que la partie n’était pas gagnée. Une première mission se profilait bien difficile.

—écoute-moi bien Juliette, viens t’asseoir là tout près de moi sur ce tapis. Je t’emmène faire un long voyage dans le passé. Allez approche, je ne vais tout de même pas devoir te répéter deux fois les mêmes choses !

Juliette abasourdie, prit place sur le tapis. Brusquement Juliette se sentit aspirée par une magnifique lumière dorée. Encore sous le choc, elle vit apparaître une multitude de petites lumières.

—c’est quoi ? demanda-t-elle à Nounours.

—c’est une ville, elle s’appelle CB, c’est une petite bourgade dans le sud des Deux Sèvres. Ce sera notre première étape. Accroche-toi pour l’atterrissage car j’ai un peu perdu la main.

Juliette et Nounours furent projetés dans un buisson. Nounours palpa Juliette. Ouf tout allait bien. Il retira quelques brindilles accrochées à sa fourrure et fit taire la jeune fille. Disciplinée Juliette scruta tout autour d’elle. Une jeune fille en pleurs était assise sur le trottoir, juste éclairée par un lampadaire.

—c’est qui ?

—ta maman, elle a 17 ans.

—qu’est-ce qu’elle fait là toute seule ?

—elle apprend la vie, soupira Nounours en hochant la tête, et regagnant le tapis.

Juliette continuait de regarder cette jeune fille tellement triste. Etrange comme sensation, jamais Juliette n’avait envisagé sa maman dans le rôle d’une adolescente. Elle rattrapa Nounours et s’assit près de lui. La même lumière les enveloppa et hop les voilà repartis. Juliette, ressentit une douce chaleur, apaisante, aimante, parcourir tout son corps. Ils traversèrent des passages de différentes couleurs, bleu, jaune, orange, rouge. Puis, un magnifique ciel d’un bleu profond la ramena à la réalité. L’air chaud de l’été lui caressait la peau. Des prairies, des bois se révélaient sous ses yeux émerveillés. Elle pouvait maintenant apercevoir un petit village animé par des silhouettes qui vaquaient à leurs occupations.

—attention ! cria Nounours, terre en approche. Nounours fit poser le tapis à l’abri des regards derrière un baraquement fait de bâches d’où s’échappait de la musique.

—chut ! pas de bruit, chuchota-t-il.

Un groupe de motards, arriva et se stationna près de l’entrée. Chacun enleva son casque et Juliette reconnut la jeune fille de l’étape précédente. Elle était tellement différente. Elle resplendissait de gaité, et bonheur.

—c’est quoi cet endroit ? demanda-t-elle à Nounours.

—c’est un bal. Autrefois le dimanche les jeunes se retrouvaient dans des bals de campagne. Ils venaient ici danser, et rechercher l’âme sœur.

Et sur ces mots, Nounours se faufila parmi la foule entraînant Juliette. Il trouva un bon point d’observation, derrière la scène. Juliette serrée contre lui, fulminait de l’intérieur. Elle laissa exploser sa colère.

—et dire qu’elle me refuse toute sortie et regarde-la en train de rire et de s’amuser, s’indigna-t-elle ? Ce n’est pas juste !

—oh ! du calme ! tu vas nous faire repérer, ordonna Nounours.

La musique rock laissa la place à une musique plus douce, des slows. Elle vit un jeune homme aux longs cheveux bruns, habillé d’un jean et d’une chemise blanche s’approcher de sa maman et l’inviter à danser. Celle-ci accepta. Ils entamèrent leur première danse suivie par toute une série.

—qui est-ce ? demanda Juliette

—Marc, il va devenir le premier grand amour de ta maman.

—mais elle ne m’en a jamais parlé ! se fâcha Juliette.

—pour ta maman cette histoire est profondément gravée dans sa chair par la souffrance et le silence. Allez viens nous repartons. Et sans lui permettre d’ajouter un seul mot Nounours rejoignit le tapis.

Le voyage fut différent. Ils traversèrent encore des tunnels. Ceux-ci étaient équipés d’écrans. Juliette voyait défiler la vie de sa maman, plus précisément sa première histoire d’amour avec Marc. Elle les voyait se balader dans la campagne, en moto, ou bien assis au pied d’un magnifique cerisier. Ils faisaient plein de projets pour l’avenir, un garage de mécanique moto, lui à l’atelier, elle à l’administratif. Ils parlaient mariage, enfants, maison avec un grand jardin. Ils reflétaient le bonheur parfait.

Soudain Nounours la tira de sa rêverie.

—nous arrivons.

—où sommes-nous ?

—aux T., c’est en Charente Maritime.

Juliette vit une moto approcher et stopper près d’une cabine téléphonique. Le pilote retira son casque, et descendit de son engin. C’était sa mère. Cette dernière entra dans la cabine et décrocha l’appareil. Au fil de la discussion la colère effaça son joli sourire. Puis elle raccrocha violemment le téléphone, enfourcha son bolide et reprit la route à vive allure.

—qu’est ce qui se passe ? Avec qui parlait-elle au téléphone ? Où va-t-elle ?

—doucement une seule question à la fois ! s’exclama Nounours. Marc devait venir chercher ta maman chez ses parents vers 20 heures. Il vient d’annuler et lui proposer de la retrouver directement au bal, plus tard dans la soirée. Ta maman était tellement impatiente de le voir, que sa déception s’est transformée en fureur. Maintenant elle rentre chez elle. Continuons notre périple.

—où sommes-nous maintenant ?

—au bal où ils doivent se retrouver, regarde là-bas ta maman est avec ses amis. Observe la bien, elle semble insouciante, et pourtant, elle s’inquiète de ne pas voir Marc.

—où est-il ? Il lui a posé un lapin ?

—euh ! pas vraiment. Laissons ta maman profiter de ses derniers instants d’innocence.

—ces derniers instants… susurra Juliette

Et de nouveau le tapis les transféra.

—hé nous sommes chez papy et mammy !

—oui il est 5 heures du matin. Ta grand-mère est réveillée, elle attend ta maman.

—ah ! 5 h elle n’est pas encore rentrée ! Cool pour elle la vie ! ironisa Juliette

—peut-être pas aussi cool que tu crois.

—ah oui Mamy l’attend, j’espère qu’elle va lui passer une bonne rouste, se réjouissait Juliette.

Un bruit de moteur rompit le silence de la maisonnée. La porte s’ouvrit tout doucement et sa maman entra à pas de loup. La lumière s’alluma. Juliette était aux anges, et jubilait à l’idée de voir sa mère se faire sermonner. Mais à sa grande surprise elle vit sa grand-mère prendre sa mère dans ses bras. Etonnée, Juliette se tourna vers Nounours le regard interrogateur.

—ta grand-mère vient d’apprendre une bien mauvaise nouvelle à ta maman. Hier après leur échange téléphonique, Marc a eu un accident de moto. Il est à l’hôpital dans le coma.

—un accident…. Dans le coma… bredouilla Juliette.

Affligée, Juliette gardait un gout amer de ses pensées de vengeance. Nounours la sortit de ses pensées pour l’amener dans un nouvel espace-temps. Ils se retrouvèrent au lundi matin qui suivait ce tragique accident. A sa grande surprise Juliette vit sa maman toute guillerette en train de se préparer. Elle chantonnait et la vie semblait de nouveau lui sourire.

—alors Marc va mieux ? s’enthousiasma Juliette.

—ta maman se prépare pour se rendre auprès de Marc, sur la demande du médecin.

Soudain, le téléphone sonna, sa maman décrocha, lâcha le combiné, et s’écroula à terre en hurlant.

—voilà, la fin de l’histoire est proche, dit tristement Nounours.

—je ne comprends pas, bégaya Juliette.

—il n’a pas survécu à ses blessures.

Juliette resta silencieuse tout en regardant le désespoir de sa maman. Elle aurait aimé la prendre dans ses bras pour la consoler, lui dire qu’elle l’aimait, qu’elle serait toujours là pour elle mais elle savait que tout cela était impossible, car Juliette n’était pas encore née…

—dis-moi Nounours que va-t-elle devenir ?

—viens nous allons vivre avec elle les derniers moments de cette tragédie.

Ils arrivèrent devant une église. C’était l’enterrement de Marc. Ses amis formaient une haie d’honneur avec leur moto à l’entrée de l’église. Juliette cherchait sa maman du regard. Elle la vit plus loin à l’écart avec sa grand-mère.

—pourquoi n’est-elle pas avec ses amis ?

—ses amis la tiennent pour responsable de la mort de Marc. Ils lui ont refusé le droit au dernier hommage.

—mais c’est injuste ! elle n’est pas responsable ! s’indigna Juliette, elle l’aimait ! Regarde comme elle souffre, elle est méconnaissable, elle parait tellement fragile.

—cela fait des nuits que ses larmes de reproche lui ont retiré son sommeil. Pauvre d’elle le plus dur reste à venir… s’apitoya Nounours.

—le plus dur, mais que peut-il lui arriver de plus dur encore ? Elle vient de perdre son amour, son avenir, sa jeunesse, sa joie de vivre, ses espérances alors que veux-tu qu’elle perde maintenant ? débita Juliette.

—te souviens-tu de notre première étape ? Nous avons vu ta maman dans une petite bourgade, seule la nuit assise sur un trottoir.

—oui je m’en souviens. Quel est le rapport avec tout cela ?

—après l’enterrement de Marc, ta maman s’est enfermée dans ses larmes, a arrêté de s’alimenter et a traîné hagarde à la maison. Tes grands parents exacerbés par ce comportement lui ont sommé de trouver un travail et de se ressaisir ou bien de partir. Ta maman a pris ses affaires et a quitté sa famille.

—mais ils n’ont pas essayé de la retenir ?

—non ils pensaient qu’elle reviendrait. Pour eux cette malheureuse phrase s’est transformée en fardeau, bien lourd à porter, tout au long de leur vie.

—mais pourquoi Maman est-elle partie ?

—la culpabilité, les reproches, les regrets sont devenus son lot quotidien. Pour elle le vide laissé par la disparition de son amour était impossible à combler. Elle n’attendait qu’une seule chose : que la mort vienne la chercher. Alors peu lui importait que ce soit chez ses parents ou ailleurs.

—et pourtant je suis là, elle a bien réussi à retrouver le goût de la vie.

—le temps referme certaines blessures sans pour autant les guérir. Ta maman a survécu à ce drame. Mais de profondes séquelles guident chaque jour ses actes, ses décisions, ces paroles. Quand je suis réapparu dans ta vie, tu étais très en colère contre ta maman. Elle t’avait refusé que tu prépares ton permis moto et que tu aies une moto. Maintenant comprends-tu son refus ?

—je crois que j’ai compris. Je ne pourrai plus la regarder comme avant, être méchante avec elle car maintenant je sais qu’elle a été très courageuse malgré cette tragédie. Dis-moi et après qu’a-t-elle fait ?

—petite curieuse, railla Nounours. Tu en connais suffisamment pour aujourd’hui. Nous aurons de nouveau l’occasion d’explorer le passé et le futur. Maintenant il est temps pour toi de rentrer, allez grimpe et accroche toi, Mister Nounours aux commandes du tapis magique te raccompagne dans ta vie !

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