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Sommes-nous des prisonniers du temps ?

Dernière mise à jour : 30 mai 2023


Une veille femme traverse la place. Elle est habillée de noire, et lentement, aidée par sa canne, pas à pas, elle avance. Je la regarde, le temps semble s’être arrêté. Des pensées fugaces viennent détourner mon regard.


Et la femme disparait ! Comme éclipsée, je la cherche mais elle n’est plus là !


Comment cette femme, qui se déplaçait si lentement avait pu disparaitre, aussi vite alors que je la suivais du regard ?

Assise sur ce banc, au milieu de cette place, à comprendre ce que je venais de voir ou plutôt de ne plus voir, une petite voix est venue me dire « qu’est ce que tu fais là, tu n’as pas le temps ».

Toute une liste de choses à faire s’écrivit. Je l'ai regardé défiler dans mon champ mental, et je me suis sentie submergée par tout ce qui se présentaient, par toutes ces tâches étouffantes qui me poussaient vers la procrastination et l’attente.,


J'ai fermé les yeux. Et j'ai regardé la vie !


Des voix me parviennent, des mots dans une langue étrangère, une maman qui appelle son petit Yohann, un couple qui se dispute, des amis qui se retrouvent et qui rient, le battement d’aile d’un pigeon…


Et sur mon banc, je ressens tout autour de moi la danse de la vie, je suis comme emportée dans un tourbillon de sons et de sensations. Et je me dis : « tu as le temps ».


A cet instant mes pieds, mes jambes, mon corps, se rappellent à moi. Le banc me sourit de cette nouvelle compréhension, et m’invite juste à rester avec lui le temps de cette fabuleuse découverte.


Et si cette vieille femme n’avait pas disparu, si c’était juste moi !


Moi qui me suis kidnappée par mes pensées, qui ait bondi dans le passé puis dans le futur en oubliant de m’arrêter dans le présent !

En quelques secondes j’avais voyagé au travers les réalités des différentes lignes du temps !


Quelle prise de conscience et de compréhension sur cette notion vivre l’instant présent !


Combien de fois me suis-je ainsi laissée porter sans conscience ? Combien de choses simples de la vie ai-je perdu ? Quelle est la juste notion de temps ?


Toutes ces questions débarquent, et les réponses se font attendre.


Attendre c’est bien cela !

Et je comprends maintenant que l’instant présent, c’est l’action, c’est mon pouvoir. Et que dès que je le quitte, je perds mon pouvoir de création, je me laisse flotter au gré de la vie et des tempêtes, comme ballotée, impuissante à conduire ma barque.


Je suis à la merci de toutes les intempéries, à subir et non à vivre mes choix, mes besoins, mes rêves.


Dès que je m’éloigne du temps présent, le temps me dévore, m’absorbe et m’éloigne de ce qui est là, autour de moi. Et je passe mon temps à répéter « je n’ai pas le temps » et je ne trouve plus le temps.


Plus le temps, de rire, de me reposer, de jouir des choses simples de la vie. Non ! Tout devient pressant, oppressant. La précipitation prend le pas sur la réflexion. Le plaisir se transforme en obligation, en devoir.


Tout va trop vite, et le temps file, file… et me laisse avec ma liste de choses à faire qui s’amplifie au fil du temps. Elle nourrit la source de mes pensées qui exécutent le ballet de la mort du cygne. Elles s’associent aux peurs et croyances ancestrales, fossilisées dans les mémoires cellulaires, au travers tous les voyages de l’âme.


Et le vilain petit canard revient pour mieux s’enfuir, à la recherche éperdue d’un monde meilleur.


Et tout devient lourd, insurmontable. Une chappe de fatigue s’abat sur les épaules. Et chaque jour le contrôle de la vie s’impose et le combat commence.



Mais peut-on contrôler le temps ? Le temps est là, il passe, efface, dit-on. Mais qu’efface-t-il vraiment ? Et efface-t-il vraiment ? Ou nous laisse-t-il dans l’illusion de gommer les souffrances ?


Et est-ce à lui de libérer l’être de ces blessures ?


Et s’il suffisait d’être avec le temps. D’en faire un allié, un ami, et de décider de mettre un terme à cette guerre du temps…


Cette guerre qui éloigne de ce doux soleil chaleureux qui murmure : es-tu là ?


Le bruit d’une voiture qui passe, des rires lointains qui résonnent, les gazouillis d’un bébé, une porte qui claque…


Et si la vie était dénuée de temps, si la vie était tous ces bruits familiers que je ne perçois plus par force d’habitude, par ennui et par l’attente…


Et si la vie était toutes ces présences inconnues autour de moi, que j’oublie de regarder, qui m’apparaissent comme des fantômes de la vie, emprisonnés par le temps. Le temps qui passe, le manque de temps…


Et si la vie n’était que des sons, des odeurs, des corps, des sensations ?


Et si la vie n’était que cet instant, sur ce banc, cette présence que je vis en me disant j’ai le temps.




 
 
 

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